Les perroquets sont majestueux, intelligents, sensibles, dynamiques et peuvent, pour certains d’entre eux, imiter la parole, ce qui en fait un « animal de compagnie » de plus en plus convoité.
Quand vous vous promenez en animalerie, quand vous regardez les annonces d'éleveurs ou de revendeurs, de nombreuses occasions d'adopter un perroquet s’offrent à vous. Ils sont tellement beaux avec leur plumage coloré et leur regard profond, comment ne pas céder à la tentation ? Le vendeur vous explique que ce perroquet a été élevé à la main et qu'ainsi il sera proche de vous. Il vous dit également que son entretien est très simple : il faut une cage, des graines ainsi qu'un bloc de minéraux, et pourquoi pas un jouet de bois pour l'occuper en votre absence. Vous repartez donc chez vous enjoué, avec l’oiseau et les accessoires recommandés.
Les premiers jours en compagnie du perroquet se passent très bien, il est proche de vous, réclame votre attention et explore. Cependant, votre quotidien va rapidement et radicalement changer. Il ne veut pas rester à l’intérieur de ces barreaux qui depuis trop longtemps le contraignent, il passe donc beaucoup de temps à explorer en dehors de sa cage et à détruire votre matériel, il salit quand il mange ou quand il défèque, il se met à vous mordre quand vous souhaitez le prendre ou le mettre dans sa cage et il se met à crier dès que vous vous absentez. Vous constatez, dans une totale impuissance, cette évolution déplaisante du comportement de votre perroquet, sans comprendre pourquoi. Votre perroquet agit ainsi parce qu'il n'est pas un animal de compagnie même si, depuis quelques décennies, on fait tout pour vous le faire croire.
L'animal de compagnie est un animal domestique développé et entretenu par l’humain pour répondre à ses besoins, dans le but de lui tenir compagnie. Afin qu'un animal soit domestiqué, il doit avoir fait l’objet d’une sélection continue et constante, avoir été élevé de génération en génération par l'homme, pour constituer une espèce ou une race différente de la forme sauvage originelle dont il est issu.
Après avoir été importés de leurs pays d’origine pour orner nos volières, victimes de braconnage, des éleveurs ont décidé de reproduire des perroquets en captivité. Or, malgré leur captivité, les perroquets ne sont pas pour autant des animaux domestiqués, ils restent fondamentalement sauvages. Le comportement du perroquet est le résultat d'une sélection naturelle qui fait de lui un oiseau adapté à la vie libre dans la nature. Tous les instincts et les attitudes qui l’aident à survivre dans la nature sont intacts comme, par exemple, sa méfiance envers les intrus ou les prédateurs dont les humains font partie : ce n'est pas un animal domestique et il ne peut pas être considéré comme tel, contrairement au chien et au chat, qui font l’objet d’un élevage sélectif visant à en faire des animaux domestiques, et cela depuis des centaines d’années.
Ainsi, les oiseaux captifs ont les mêmes comportements que les oiseaux à l'état sauvage, ce sont des comportements intrinsèques et normaux : ils vivent en groupe, ils se réveillent et crient au lever du soleil, ils vont à la recherche de nourriture, ils grugent des matières naturelles, ils salissent, ils se toilettent, ils jouent, ils ont des interactions socio-affectives entre congénères et ils font la sieste. Puis, en milieu d'après-midi, ils recommencent cette routine, jusqu'au coucher du soleil alors qu’ils cherchent un endroit sécuritaire où se percher en groupe et s'endormir. Votre perroquet exécutera tous ces comportements et essayera de les reproduire, parfois les adapter, aux contraintes de la vie en captivité.
Pour répondre à la demande de perroquets proches des humains, les éleveurs ont développé la pratique de l'élevage à la main des oisillons. C'est une méthode qui s’est raffinée au fil des ans, afin d'imprégner les perroquets à l'espèce humaine en facilitant leur socialisation dans le but qu'ils soient dépendants de ces derniers tout en s’identifiant à eux. Cette pratique trahit la difficulté actuelle des propriétaires à appréhender les perroquets en tant qu'animal sauvage et instinctuel. Les oisillons ayant besoin de stimulations auditives, visuelles et tactiles appropriées pour leur développement social, affectif et sexuel, seul l'élevage par les parents peut apporter ces stimulations et cet apprentissage pour le développement et le bien-être futur de ces oiseaux. La technique d'élevage à la main altère l'acclimatation de votre oiseau aux variations environnementales et sociales. L'oiseau élevé à la main, qui a été isolé de ses congénères, a une socialisation déficiente qui rend son seuil de tolérance et sa résistance à la frustration très bas. Ainsi, il sera moins adaptatif et enclin au changement ainsi qu'aux contraintes liées à la captivité. C'est ainsi que se développeront des troubles de comportement comme le picage, l'hyper-dépendance, l'hyper-anxiété, l'hyper-agressivité, l'hyper-vocalisation, la néophobie et les stéréotypies.
De plus, votre perroquet élevé à la main, s'il est le seul oiseau du foyer, va constamment solliciter votre attention parce qu'il en a besoin, en tant qu'oiseau grégaire, qui vit et évolue avec des congénères. À défaut de s’identifier et de vivre avec des oiseaux, vous devrez jouer ce rôle, l’élevage à la main vous ayant attribué le rôle de congénère. Il va vouloir sortir de sa cage pour répondre à son besoin exploratoire et va apprécier détruire les matériaux comme le bois, le plastique mou ou les matières naturelles et il va déféquer sans aucune considération de votre mobilier. Il ne voudra pas forcément être dérangé et être manipulé quand vous, vous serez disposé, ou vous l'exigerez de lui ; et si vous insistez, il vous mordra. Il criera de plus en plus si vous le laissez des heures durant, seul, livré à lui-même et à l'ennui.
La plupart d'entre nous, quand nous adoptons notre premier perroquet, nous le faisons en ayant des attentes bien humaines, par exemple, nous aimerions qu'il parle, ou encore, nous voulons un oiseau qui sera proche de nous, qui sera câlin, intéressé et qui nous aimera, comblant ainsi notre besoin affectif d’attention à donner et recevoir. Par conséquent, nous prêtons aux perroquets des comportements ou sentiments humains ainsi que des attentes qui sont les nôtres alors que nous les interprétons à la lumière de notre humanité et non de la connaissance que nous avons de cette espèce sauvage. Cet anthropomorphisme est délétère pour le bien-être du perroquet parce que ses besoins et son mode de communication sont différents de nos besoins et de nos attentes.
Le perroquet émet des cris stridents et puissants, détruit vos meubles, gruge le plâtre des murs, se pend aux luminaires, répand sa nourriture partout, ses plumes et ses fientes se retrouvent dans tous les recoins : c’est le quotidien des perroquets et ça devient le vôtre. Ces comportements ne sont pas toujours tolérables pour nous, mais ils sont parfaitement normaux pour un perroquet, en nature ou en captivité.
Nos maisons et appartements, notre budget ainsi que notre disponibilité ne permettent que très rarement de pouvoir apporter un environnement convenable à l'épanouissement de nos perroquets. Aux activités parfois destructrices des perroquets, il est de plus essentiel qu’ils puissent voler librement, ne pas être enfermés en cage, qu'ils puissent explorer, jouer, gruger et plus généralement qu'ils puissent exister sans entrave et surtout, en compagnie de congénères. Enfin, il est indispensable de leur donner accès à une alimentation complète et variée, ainsi qu'à un enrichissement constant du cadre de vie.
Mais dans la réalité, beaucoup de perroquets en captivité ne peuvent pas bénéficier d’un tel environnement, de par notre incapacité à répondre à leurs besoins mais surtout, en raison de notre méconnaissance de leurs réels besoins. Cette réalité, que l’on constate le plus souvent qu’une fois les perroquets installés, entraîne un nombre important de revente d'oiseaux à des particuliers ou d'abandons auprès des associations.
Pour toutes ces raisons, les espèces non domestiques que sont les perroquets font de mauvais animaux de compagnie au sens où nous l'entendons, si l'on respecte pleinement leur nature. C'est pourquoi l'acquisition d'un oiseau et de ce que cela implique doit être mûrement réfléchi. Si vous souhaitez toujours adopter un perroquet, il devra pouvoir évoluer avec ses congénères librement, dans un milieu adapté, et pouvoir faire confiance aux humains de son foyer. Cela se fait en comptant de nombreuses années de bons soins, d’attention et de respect le plus près possible de la nature profonde de nos perroquets.
Lexique :
Anthropomorphisme : tendance à attribuer aux animaux des sentiments humains.
Intrinsèque : qui est inhérent à quelqu'un, indépendamment de tous les facteurs extérieurs.
Instinct grégaire / Grégarisme : individu qui vit et évolue en groupe, même en dehors de la période de reproduction.
Imprégnation : phase du développement comportemental d'un animal au cours de laquelle il s'attache d'une manière plus ou moins définitive au premier objet ou être, généralement en mouvement, qu'il aperçoit. Un autre aspect très important de l'imprégnation est représenté par ses conséquences sur le comportement ultérieur de l'animal.
Sources :
La fondation Saint-Marseille sur www.fondation-st-marseille.com/?p=703
Natacha Larivière sur www,ara-le-sanctuaire.com
Mark L. Stafford sur www.parrotsinternational.org/companion_parrots.htm
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