La socialisation primaire et l'attachement
Les premières expériences après la naissance durant la période juvénile ont une influence considérable pour le développement de la perruche ou du perroquet, en dehors même du processus
d'empreinte, et il définira son comportement à l'état adulte. L'empreinte est plus ponctuelle et dure un temps bien déterminé selon l'espèce concernée, alors que les attachements sont multiples
et font appel à une multitudes de comportements des parents.
En outre, c'est la socialisation primaire (l'acquisition des conduites sociales) qui influence et définie les comportements de l'oiseau adulte, et la compréhension et l'interprétation qu'il aura
de son milieu (son environnement social et géographique - distance sociale). Ainsi, ce sont les premières expériences qui vont définir le choix du partenaire sexuel. Ce choix est déterminé par
les qualités du congénère et par le type d'interactions vécues pendant la période juvénile. Il identifiera son espèce à travers celle qui s'est occupée de lui très jeune, qui a été présente, qui
l'a nourri et protégé, lui et sa fratrie.
Les expériences liées à l'attachement et l'isolement (C.C Wariner, W.B Lemmon, T.S Rayes, P.F.D Seitz, W.R Thompson, R. Melsack, H. Harlow) du petit à sa mère ont prouvé l'importance du contact
corporel dans la relation et l'évolution. La qualité du contact parental a son importance dans le développement des comportements socio-affectifs de l'oisillon avec ses congénères. A travers le
nourrissage de la mère, il y a l'attachement, où l'oisillon recherche le contact, une source de chaleur, mais également où il observe ses mouvements et s’enrichit des stimuli sensoriels qu'il
reçoit. L'affectivité est donc un besoin primaire, au même titre que la faim et la soif.
Quand un oisillon (perruche ou perroquet) est élevé à la main ( EAM), il est séparé de ses parents naturels, de sa fratrie, et il est inhibé de toutes stimulations adaptées à son apprentissage et
évolution. l'oiseau n'est plus stimulé sur le plan visuel, auditif et tactile. Les seules stimulations qu'il reçoit seront visuelles et tactiles lors du nourrissage par la main de l'homme, qui
n'a rien de comparable à la qualité de nourrissage par les parents sur le plan social et affectif.
L'oisillon élevé à la main (EAM) ne bénéficie ni du contact maternel ni du contact de la fratrie. Les contacts avec la fratrie sont tout aussi importants que les contacts avec la mère car ils
permettent le sentiment de sécurité et atténuent les effets néfastes conséquents à la séparation du petit de la mère.
L'oisillon élevé à la main développe un sentiment d'abandon et souffre de l'isolement sur le plan psychologique. C'est le choc de séparation suite à l'absence de la mère biologique. Les premières
manifestations sont les cris (les oisillons réclament, pleurent, des comportements qui à l'état naturel alertent la mère qui dès lors rejoint le nid et rassure ses petits). Ces comportements en
captivité n'apportent aucune réponse satisfaisante et sécurisante (absence de réponse ou réponse inadaptée). Et la période de nourrissage ne suffit pas quant à combler le besoin primaire
d'affectivité.
Les secondes manifestations de l'isolement sont le désespoir de l'oiseau de part la détresse permanente dans laquelle il est. Il transfère ses besoins d'affectivité sur la présence humaine et s'y
attache par nécessité, en lui réclamant des contacts et interactions. Les réponses sont souvent disproportionnées et/ou inappropriées vis-à-vis des besoins de l'oiseau, et celui-ci peut tendre
vers l'inactivité, la passivité face à son environnement.
En entrant dans la période pré-pubère son sentiment d'isolement peut se renforcer, et il développera des phases d'hyper-dépendance, d'hyper-anxiété, ou d'indifférence, et parfois même
d'agressivité et d'hostilité, selon les individus concernés et leurs expériences. Cette période où la perruche ou le perroquet entre dans une période hormonale et s’apprête à maturer, il va
renforcer (ou modifier) ses acquis. Et de part le manque d'enrichissement de l'environnement en stimulations, il aura des retards et lacunes dans son apprentissage social. Ses capacités
cognitives seront moins développées et il aura plus de difficultés lors des expériences nouvelles et lors de l'éducation par son compagnon humain.
En outre le perroquet élevé à la main peut considérer les stimulation avec craintes, fuir plus facilement et se réfugier sur lui-même. La perruche ou le perroquet n'a pas acquis les conduites
sociales auprès de son groupe social, ni les codes de communications. Il n'a pas été habitué aux stimulations diverses de son milieu, il n'a pas pu explorer et vivre ses propres expériences aussi
enrichissantes qu'elles le sont avec le groupe social. Il a dû évoluer dans un environnement inhibé de toutes expériences et de tous apprentissages nécessaires à son évolution en tant qu'individu
social.
C'est pourquoi votre perruche ou perroquet élevé à la main peut être si anxieux et craintif face à toute nouveauté, il a besoin d'une désensibilisation et d'un apprentissage des codes de
conduites. C'est pour cela que votre perroquet peut être dépendant à votre présence, vos soins et vos caresses (de partenaire). C'est pour cela qu'il peut crier en votre absence, de crainte d'un
nouvel abandon, de la solitude et de l'isolement. Certains finissent même par développer des troubles du comportement sévères comme l'hyper-vocalisation (les cris), le picage (l'arrachage de ses
propres plumes) et parfois même l'automutilation. Ces perroquets là n'arrivent jamais à atteindre un seuil d'apaisement.
De plus, vos perruches et perroquets élevés à la main peuvent développer bien plus facilement la faculté de mordre comme mode de communication (pincer avec le bec sans engendrer de douleur n'est
pas une morsure, mais une aide pour s'appuyer chez le jeune, ou parfois un avertissement chez l'oiseau plus mature). C'est parce que c'est la mère lors du nourrissage et de l'éducation qui leur
apprend à ne pas mordre, à contrôler la force de leur bec, et dans quelles circonstances l'utiliser, cette seule arme de défense de dernier recours. Sans cet apprentissage, l'oiseau EAM
l'expérimente lui-même dans son quotidien, comme bien d'autres comportements. Il peut également manifester des comportements territoriaux et agressifs en période hormonal, qui sont la réponse de
son imprégnation à l'homme et de ses besoins instinctifs de reproduction.
Votre perroquet continuera - s'il en a la possibilité et s'il reste sur un mode de vie actif – son apprentissage et ses expériences de vie dont il renforcera ou atténuera ses comportements selon
la réponse que vous lui accorderez. (Apprivoiser sa perruche ou son perroquet : la familiarisation et l'apprivoisement,
Les comportements et codes de communication chez les perruches, Les gestes de
pacification du perroquet).
Un perroquet élevé par ses parents naturels aura un apprentissage complet et équilibré de part sa période juvénile enrichie en stimulations, expériences et grâce à la présence familiale (le rôle
du père est également importants, selon les espèces). Il ne développement jamais (ou très rarement et dans des cas particuliers) de troubles de comportement tel que les troubles du comportement
sexuel, l'hyper-dépendance à l'homme ou l'hyper-anxiété. Il aura moins tendance aux morsures (sauf si c'est sa seule solution, lors d'une capture forcée par exemple, définie comme acte de
prédation à laquelle il tente un dernier effort de survie malgré le stress). Également il ne fera pas d'hyper-vocalisations. S'il crie, c'est parce qu'il sera en présence de son groupe social et
satisfera ses besoins innées de stimulations auditives (cris de contacts). Il ne sera pas territorial et agressif envers les êtres humains en période hormonal, et ne tentera pas de se reproduire
(masturbation, parade, régurgitation) avec son propriétaire. Enfin, les risques de picage et de mutilation seront quasi-nuls.
Le perroquet élevé par les parents développera des comportements sociaux appropriés, - expérimentés et acquis en tant que juvénile – auprès de ses congénères et de son groupe social.
L'élevage à la main et les troubles du comportements
Les troubles du comportement sont l'incapacité de la perruche ou du perroquet à s'adapter à de nouvelles situations. La technique d'élevage à la main (de part les conséquences sociales,
affectives et cognitives que nous venons de voir) altère l'adaptation aux variations environnementales et sociales. Ce sont des comportements anormaux, qui ne s'inscrivent pas dans l'éthogramme
du perroquet (dans ses comportements à l'état naturel). Ces troubles vont à l'encontre du bien être du perroquet, il peuvent même lui nuire et la dépense d'énergie pour les effectuer est
disproportionnée face aux gains (souvent nuls) du perroquet.
L'article « Les troubles du comportement des perroquets en captivité »
« Mon perroquet (ou perruche) élevé à la main n'a pas de problèmes de comportement ! »
Si votre perroquet vous mord jusqu'au sang, s'il crie à répétition pour attirer votre attention, ou quand vous vous absentez, s'il semble territorial voir menaçant à l'encontre d'un autre être
humain de la maison quand il vous approche, vous avez des dysfonctionnements de communication avec lui. Et si cela n'est pas traité rapidement, cela peut s'aggraver en troubles du
comportement.
Si votre perroquet s'isole, qu'il est apathique et ne fait aucune activité, ou qu'il fait les mêmes gestes et bruits à répétition, ou s'il s'arrache les plumes, ou encore qu'il se mutile, votre
perroquet a développé un ou plusieurs troubles du comportement. Le répertoire des comportements naturels et innés de votre perruche ou perroquet ne comportement pas de tels comportements,
troubles qui sont liés – comme nous l'avons expliqué – à la fois à la méthode d'élevage et par les conditions anxiogènes de sa captivité.
Les solutions
Pour réduire voir même faire disparaître les problèmes de comportements et souffrances de votre perruche ou perroquet qui a été élevé à la main, vous allons aborder plusieurs axes
d'améliorations.
L'environnement de l'oiseau
Le cadre de vie de votre perruche ou perroquet est essentiel pour répondre à ses besoins et garantir son bien-être. Pour cela, je vous suggère de vous reporter à notre article qui résume tout sur
l'environnement :
« L'enrichissement d'un environnement adapté à votre oiseau : installations, air de jeux et jouets »
l'enrichissement du milieu en stimulations et jeux
Puisque votre perroquet élevé à la main a manqué de stimulations sensorielles et d'expériences sociales durant sa période juvénile, il va falloir pallier aux lacunes par l'acquisition de
nouvelles expériences et l'apprentissage. Votre perroquet ne doit plus être passif face à son environnement et va devoir apprendre à interagir et s'adapter.
Les jeux socio-éducatifs ont une importance considérable quant à l'apprentissage du perroquet et la découverte de ses capacités cognitives et de ses moyens de communication. Il va ainsi
expérimenter des situations et les renforcer ou les atténuer. L'exploration, les jeux ludiques et de contact (les jeux de contact avec votre oiseau : caresses, regards, bruits) vont permettre en
partie de combler les lacunes de sa période juvénile.
Favoriser l'achat d'oiseaux élevés par les parents
Il ne faut pas favoriser le marché honteux (de part son but purement lucratif et égoïste) de l'élevage à la main, et ses problématiques de maltraitances et d'abandon. Aux états-Unis, c'est 70%
des animaux de compagnie qui finissent par être abandonné au moins une fois. C'est 7 animaux sur dix (chiens, chats, rongeurs, oiseaux, reptiles) qui sont abandonnés, soit laissé lâchement dans
la nature à leur propre sort, soit remis en association de sauvetage, soit remis auprès d'un vétérinaire pour une euthanasie de convenance. Sans parler des maltraitances subites. C'est un oiseau
sur dix seulement qui dans sa vie n'aura jamais changé de propriétaire.
Le marché des oiseaux élevés à la main est saturé, les associations regorgent d'oiseaux qui ont été abandonnés et qui devraient bénéficier d'une seconde chance. C'est pourquoi il n'est pas
pertinent et raisonnable d'acheter un oisillon EAM chez un éleveur. Premièrement parce que vous cautionnez en achetant chez l'éleveur pratiquant systématiquement l'EAM cette pratique maltraitante
pour l'oiseau et ayant des conséquences néfastes et multiples sur long terme. Deuxièmement parce qu'il existe des milliers d'oiseau déjà prêt à être accueillis, attendant en association de
bénéficier d'une seconde chance, d'être aimé et soigné.
Enfin, si les contraintes sont trop importantes pour vous qu'un oiseau de seconde main, préférez un éleveur qui laisse les parents naturels élever leurs petits jusqu'à leur sevrage et fin
d'apprentissage. Quitte à les manipuler au nid chaque jour (réduction de la distance de fuite et des appréhension du contact humain) pour les désensibiliser à la présence humaine, afin de
faciliter l'apprivoisement et la vie auprès de ses humains.
Sources :
- "La vie amoureuse des oiseaux", E.A. Armstrong, éditions albin michel, 1952,
- "Les sociétés animales", J. Golberg, delachaux et niestlé, 2003
- "Le comportement social des animaux", D. Desor, Presse universitaire, 1999
- "L’homme, le singe et l’oiseau", par Remy Chauvin, 2000
- "Le monde des oiseaux", par Rémy Chauvin et Bernadette Chauvin, 1996
- "Le comportement social chez les animaux", par Rémy Chauvin
- "La vie sociale des animaux", par N. Tinbergen, 1967
- "The human nature of birds", T.X Barber, St Martin's Press, 1993
- Parrot enrichment, par Kris Porter
- Parrot Behaviour & Enrichment Consultations, par Jim McKendry
- Centre aviaire Johanne Vaillancourt